Éternelle Pierrette
La dernière fois que j’ai rencontré Pierrette Fleutiaux, disparue mercredi 27 Février, c’était en 2016 à Pantin dans ce qui restait des hangars de la vielle filature Cartier-Bresson. Ce lieu improbable accueillait la 3e édition de La Nuit des Arts et des Mondes, un festival des Arts, de la Culture et de l’Interculturalité, étonnant et inventif, organisé par Laura Petrache et Yann Le Guen.
Le mois de juin venait de commencer. Il faisait chaud. Nous sortions tout juste d’un débat que j’avais voulu filmer. Un ange passe. Je lui demande si elle veut bien se prêter au jeu de l’entretien. Son dernier opus, que j’étais en train de lire, m’intriguait.
Que faire quand une personne visiblement dans le besoin, comme Destiny, cette migrante noire, enceinte de huit mois, refuse l’aide qu’on lui porte ? Vaste question qui est au cœur de ce roman. Elle accepte. Nous nous installons sous un arbre, face à cette cour ornée de graphes, tandis que le jeune cadreur fait ses essais.
L’entretien s’improvise dans le farniente d’un été naissant. Voilà que la voix de Pierrette, précise et nette, s’élance et nous entraîne. Se dessine alors la trame ténue d’un itinéraire où se déploie par touches la complexité d’une vie attachée à comprendre les relations humaines : celles des proches (au sein de la famille) comme les plus lointaines (avec ceux et celles qui viennent d’ailleurs).
Mais tous autant que nous sommes ne sommes-nous pas étrangers ? Étranges étrangers. Les latins considéraient qu’une vie était accomplie lorsque le fatum parvenait à se transformer en amor fati, soit le destin en destinée. C’est en cela que réside le vrai sentiment d’éternité.
À cet égard, Pierrette Fleutiaux ne sera jamais immortelle car elle est d’emblée éternelle.
Fulvio Caccia
Hommage rendu à Pierrette Fleutiaux, le 05 Mars 2019 par Jean Michel Arnaud sur Radio Vassivière